Le rêve et sa narration chez les Inuit canadiens

Guy Bordin

Institut national des langues et civilisations orientales – Cerlom, Paris
et Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Université de Paris X, Nanterre ; membre du comité d’experts du Cercle Polaire.

 

Tous les êtres humains rêvent. Nul ne peut très longtemps se soustraire au sommeil et donc au rêve qui, agréable ou effrayant, anodin ou vertigineux, vient toujours habiter ce moment du cycle circadien, généralement la nuit, où la personne endormie n’est plus consciente des réalités extérieures. Le rêve emmène la personne dans un univers où temps et espace se jouent de ceux qui prévalent dans le monde de la vie éveillée.

Le rêve est une expérience par essence individuelle, universelle, mais ce sont les cultures qui à travers le temps et l’espace lui ont donné sens et usage. L’expérience onirique pos-sède la caractéristique d’être inévitable, tout en n’existant pour le rêveur que par son tra-vail de mémoire et pour les « autres » par la narration qu’en fait ultérieurement le rêveur. Le récit du rêve est lui-même culturellement contraint, tant par sa forme que par les contextes de narration – à qui, quand, où, comment doit-on ou peut-on ou non raconter ses rêves ? –, sans oublier qu’au sein d’une même culture différentes conceptions du rêve peuvent cohabiter. Autant d’aspects qui montrent la complexité d’appréhension d’une expérience tout à la fois intime et sociale, culturellement balisée. Nous verrons ici com-ment les Inuit ont traité cette expérience – désignée en inuktitut par sinnaktuumaniq (1) – qui a relativement peu mobilisé les ethnologues du domaine inuit, même si on peut noter un intérêt croissant de leur part ces dernières années.

Dans ce texte, seuls certains aspects du vécu onirique seront abordés, en particulier celui du rêve en tant qu’objet de narration, c’est-à-dire l’aspect social de cette expérience, dans une perspective diachronique. On constatera que, de nos jours, contrairement à ce qui se passait autrefois, la pratique du récit des rêves s’est fortement affaiblie, ce qui n’est pas sans conséquences tant sur les plans individuel que collectif. Pour cette étude, je m’ap-puierai sur des données ethnographiques anciennes et récentes, dont celles que j’ai re-cueillies auprès d’habitants de plusieurs générations de la communauté de Mittimatalik/ Pond Inlet dans le nord de la Terre de Baffin au Nunavut, au cours de trois séjours (hiver 2002-2003, été 2005 et été 2006).

1 Les données de l’ethnographie classique

Les toutes premières données sur le rêve chez les Inuit ont été recueillies il y a environ deux siècles au Canada et en Alaska et presque trois au Groenland. Cependant, bien que l’ethnographie générale sur les Inuit soit riche, peut-être l’une des plus vastes en terme de volume publié pour ce qui concerne les sociétés dites exotiques, celle traitant spécifique-ment du rêve sous tous ses aspects – typologie, contenu, narration, fonctions, interpréta-tions, etc. – et des autres phénomènes liés au sommeil est longtemps restée relativement limitée. Certains auteurs nous ont heureusement transmis un solide ensemble de faits sur les expériences oniriques, en particulier K. Rasmussen, L. Turner, D. Jenness ou W. Thalbitzer pour citer parmi les principaux contributeurs.

Les caractéristiques les plus notables du rêve peuvent être résumées de la façon suivante :

- comme dans toutes les sociétés chamaniques à travers le monde, rêve et chamanisme étaient fortement liés, par différentes modalités. Rêver jouait souvent un rôle primordial dans l’élection et l’initiation des futurs chamanes (angakkuit) dans certains groupes tels que les Natsilingmiut (Rasmussen, 1931 : 296) ou les Inuit du Cuivre [Inuinnait] (2) (Ras-mussen, 1932 : 27). Les chamanes faisaient de nombreuses découvertes au moyen de leurs rêves, comme identifier les causes de maladies (Jenness, 1922 : 200).

- le rêve était aussi un puissant moyen de communication avec les « autres mondes », ceux des défunts et des entités les plus diverses (Rasmussen, 1929 : 93 ; 1931 : 213, 315). Un défunt pouvait ainsi communiquer son souhait de voir son nom (atiq) transmis à un nouveau-né en apparaissant dans les rêves de la mère.

- certains Inuit voyaient aussi dans le rêve un outil de prédiction, par exemple pour identi-fier un bon terrain de chasse ou de pêche, se sortir d’une situation délicate telle que le fait d’être perdu (cf. le témoignage de Aipilik Innuksuk, in MacDonald, 1998 : 186-187) ou encore anticiper une mauvaise rencontre (Freuchen, 1935 : 87). Le rêve pouvait ainsi être convoyeur de messages, parfois de bons ou de mauvais présages. En voici des exemples d’une informatrice de V. Stefansson (1919 : 214) :

« Pan. says when she dreams a river with a swift current, a strong west wind follows; if she dreams the ocean rough with waves, there will be a strong nigirk (easterly wind). If she dreams of making “slap jacks” (but not other kinds of bread), the next day some traveler will come; if she dreams of eating deer-ribs boiled, deer will soon be killed. “Sometimes I dream well (true) and sometimes badly (untrue),” she says. She has heard of people who always dream true. Dreaming a swift river means east wind only to a few people, it means this or that to others. And so with other dream signs. »

Les rêves prédictifs pouvaient avoir des implications permettant même d’en modifier le cours : « si quelqu’un fait un mauvais rêve à propos d’une autre personne, cette dernière doit offrir un cadeau au rêveur sous peine de tomber malade », disait-on chez les Inuit du Cuivre (Rasmussen, 1932 : 50).

 

Ces quelques exemples montrent toute l’importance du rêve en tant qu’expérience certe individuelle, mais dont les implications étaient aussi et surtout collectives, à l’instar de ce qui est d’ailleurs connu pour de nombreuses autres sociétés à travers le monde (Tedlock, 1987 ; Perrin, 1992 ; Parot, 2001 ; Anthropologie et Sociétés, 1994, vol. 18 (2) ; Terrain, 1996, n° 26), mais à l’inverse des conceptions occidentales contemporaines dominantes qui, depuis la révolution freudienne et sans parler des développements récents en neuro-physiologie, voient dans le phénomène onirique une expérience personnelle, sans réelle dimension sociale. Chez les Inuit, le rêve était avant tout un moyen de communication avec les autres niveaux de la réalité du monde si bien que contenu et usage social du rêve étaient inséparables.

Dans un tel système de représentation, la narration et le partage des rêves revêtaient une importance capitale. Selon une conception inuit largement répandue, les rêves dont le contenu était reconnu comme significatif devaient être racontés et correctement interpré-tés de façon à ne pas nuire à la santé du rêveur, sans exlure le risque de mort. C’est que, comme le rappelle M. Therrien (2002 : 174), « bonne santé et rêve partagé vont de pair. Tout ce qui sort du corps, ou apparaît  à sa surface, lors d’une maladie physique ou psy-chique (sang, écoulements, furoncles, paroles dans le cas d’un épisode dépressif) est tou-jours interprété comme un signe positif puisqu’il s’agit de rendre visible l’invisible (Therrien, 1995 : 74). »

Autrefois, et encore en partie aujourd’hui, on pensait que le départ de tarniq, la compo-sante invisible et immortelle de la personne (l’« âme »), de l’enveloppe corporelle pen-dant le sommeil était à l’origine du rêve : tarniq s’éloigne momentanément du corps et commence à voyager dans les mondes invisibles, en particulier celui des défunts. Si pour une raison quelconque tarniq ne réintègre pas le corps à temps, la maladie et peut-être la mort s’ensuivront. Les Inuit établissaient ainsi une association étroite entre sommeil, rêve, maladie et mort, à travers les mouvements du principe vital tarniq (cf. par exemple Stefansson, 1919 : 335 ; Rasmussen, 1929 : 93 ; 1931 : 213 ; Birket-Smith, 1953 : 123).

2 La christianisation et le rêve

La conversion au christianisme devait apporter aux Inuit de nouvelles perspectives en ce qui concerne les expériences oniriques. D’une façon générale, la tradition chrétienne a depuis le haut Moyen Âge manifesté une grande méfiance à l’égard de l’expérience oni-rique comme l’a bien montré l’historien Jacques Le Goff (1985). N’oublions d’ailleurs pas que les textes bibliques dans leur ensemble tendent à disqualifier les rêves, sauf ceux attribués directement à Dieu.

Et pourtant, dans leur pratique évangélisatrice chez les Inuit, l’attitude des missionnaires fut en fait plutôt ambiguë vis-à-vis du rêve, tout particulièrement dans les premiers temps des conversions. En voici un exemple. Un missionnaire du Labrador, où les Inuit furent convertis par les Frères moraves qui s’installèrent dans la région dès 1771 – soit environ un siècle avant l’établissement de contacts religieux dans le reste de l’Arctique canadien –, écrivit ce qui suit dans le journal de sa mission en 1805 après avoir entendu un homme lui raconter un rêve (Richling, 1989) : « on entend souvent les Esquimaux raconter leurs rêves, et il est certain que cela conduit certains d’entre eux à de sérieuses réflexions. Mais nous ne les encourageons pas à croire en leurs rêves, ni même à y prêter la moindre attention. » En même temps, les missionnaires étaient avides de signes positifs de la part des Inuit montrant leur acceptation de la foi chrétienne. Ils étaient donc encouragés à témoigner de leur « nouvel état » lors de confessions publiques ou de conversations privées avec les missionnaires au cours desquelles il devint fréquent de raconter des rêves indiquant qu’ils étaient prêts à se convertir.

Pendant toute la période de réception du christianisme qui dura environ soixante ans dans l’Arctique canadien (à l’exclusion du Labrador) – entre 1880 et 1940 –, sous l’action conjuguée des missionnaires protestants et catholiques et de prosélytes inuit (Laugrand, 2002), le rêve conserva son aspect social fondamental, bien que le contenu se vit enrichi de thèmes et personnages issus de la religion chrétienne. Rêver de Jésus, de Satan, des anges devint fréquent d’après plusieurs témoignages, y compris plusieurs que j’ai re-cueillis au cours de mes enquêtes, comme celui-ci raconté par une femme née en 1939 :

Ilaannit sinnaktuvinirma ilangit qaujimattiaqtaraluakka, sinnaktuumaruluujakkaluqattalaurama makkuk&unga Jiisusikkut makua sinnakturiqattarnikugigakkit ilinniaqtingilluuniit sinnakturi-rulujaqattarnikugigakkit uqallaujaullungalu sinnaktuqattarnikuujunga, ilangit alianaigijaalugi-qattalauqtakka makkuk&unga sinnaktuumanikuvinikka puigurunnanngitakka ilangit.
(Marta Kunuk, 2003)
« Parfois je me souviens très bien de certains de mes anciens rêves, je rêvais beaucoup quand j’étais jeune fille, je faisais souvent des rêves de Jésus et de sa famille ou de ses disciples, je rê-vais souvent de cela, et dans ces rêves on me parlait ; certains de mes rêves d’adolescente étaient très agréables et je ne peux pas les oublier. »

 

Un témoignage très intéressant rapporté par V. Stefansson (1919 : 270) de l’Arctique occidental canadien montre comment, après la christianisation, le rêve a pu se « sub-stituer » au voyage chamanique pour que ceux des chamanes devenus chrétiens et ayant cessé de se déplacer dans la voûte céleste puissent toujours remplir certaines tâches :

« Pan. has told further that formerly ang’atkut used to bring back from the sky, sun, moon etc., where they went on spirit flights, songs taught to them by the spirits they had been visiting. Now all the ang’atkut are Christians and some have ceased to fly as formerly, but the spirits come to them in dreams instead. Other ang’atkut still practise spirit flights, but now they go to heaven where God and Jesus are, instead of going to the sun and moon as formerly. As formerly, both in dreams and in flights to heaven, they learn new songs, which they sing on their return to prove the truth of their story of the dream or flight. Sometimes the song is taught them by God, sometimes by Jesus, sometimes by an angel. »


3 De la conversion à aujourd’hui

Entre la fin de la période de conversion d’un côté et l’époque contemporaine de l’autre, grosso modo entre les années 1940-1950 et 1980-1990, de nombreux autres changements se sont produits au sein des groupes inuit canadiens tels que la sédentarisation dans des communautés permanentes, la scolarisation des enfants, l’introduction du travail salarié, l’usage croissant de l’anglais, etc., autant de mutations qui ont contribué à une drama-tique transformation des conditions socio-économiques et de la vie quotidienne indivi-duelle et collective (Huret, 2003). C’est au cours de cette même période « entre deux » que la pratique de la narration et du partage du rêve commença à s’affaiblir. Et à ma connaissance, au cours de ces décennies, les publications ethnographiques furent quasi muettes sur le thème du rêve, au moins pour ce qui concerne l’Arctique canadien. À un probable manque d’intérêt de la part des anthropologues, ce trait semblant d’ailleurs ne pas s’être limité au domaine inuit (3) , il faut sans doute ajouter la répugnance de la plupart des Inuit, désormais devenus des chrétiens particulièrement dévôts, à parler d’un sujet si fortement lié au chamanisme. Il est bien attesté que même les jeunes Inuit de cette époque eurent souvent les plus grandes difficultés à faire témoigner leurs parents et grands-parents sur certains aspects de la vie avant l’arrivée du christianisme. Sandra Pikujak Katsak, de Mittimatalik, née en 1973, en fit l’expérience comme elle le raconte dans un ouvrage récent sur la vie de trois générations de femmes : 

« I was always curious about how it was back then, back when my grandparents were growing up. I always wondered about the shamans. Nobody was willing to talk about them or answer my questions. I asked all the time. I asked my parents, I asked a lot. I guess I was the kind of kid who asked a lot of questions. “Why? Why? Why” I was genuinely curious, I really wanted to know. I guess that they got tired of all my questions. They never said much to me, my parents, my grandparents, they never talked about shamans much when I was a kid. » (in Wachowich, 1999 : 244)

4 Conceptions du rêve dans la société inuit contemporaine

Depuis une quinzaine d’années, des évolutions se font jour au sein de la société inuit, entre autres une moindre pression des églises « historiques » (4) (anglicane et catholique), ce qui rend possible, dans certaines circonstances, de parler plus ouvertement de sujets tels que le chamanisme. Et c’est aussi depuis le milieu des années 1980 que plusieurs contributions ont été publiées sur les rêves chez les Inuit. Par ordre chronologique, je citerai N. Hallendy (1985) qui, suite à des entretiens avec des aînés de Kinngait/Cape Dorset, produisit une première taxonomie des rêves inuit, puis en 1989 fut publié l’article de B. Richling sur les rêves des Inuit du Labrador à l’époque de leur conversion. L’année 2001 fut particulièrement riche avec deux contributions majeures, d’une part l’article de F. Laugrand sur l’ambiguïté et l’hétéronomie du rêve chez les aînés inuit de l’Arctique canadien, et d’autre part le volume bilingue inuktitut-anglais publié par S. Kolb et S. Law, compte rendu d’entretiens entre aînés et étudiants inuit. En 2002, M. Therrien pu-blia son analyse de trois rêves d’une apprentie chamane du Groenland oriental qui furent originellement recueillis par W. Thalbitzer (1923) en 1905-1906. Pour ma part, j’eus l’occasion de faire deux communications sur le thème du rêve, la première lors d’un col-loque qui s’est tenu l’Inalco en 2004 (5) , ultérieurement publiée dans les actes de la ren-contre (Bordin, 2007), la seconde en 2006 dans le cadre du 15e Congrès international d’études inuit (6) (Bordin, 2006). J’ai enfin co-réalisé en 2006 avec Renaud De Putter un film de moyen métrage qui donne à entendre plusieurs rêves d’habitants de Mittimatalik (7) .

 

En dressant un bilan de ces publications récentes, on remarque que le discours inuit dominant reste de nos jours largement en phase avec les représentations anciennes à travers 1) la persistence d’une forte relation entre l’expérience onirique et la mort, 2) la perception du rêve comme mode de réception de messages provenant d’autres niveaux de réalité et 3) la perception du rêve comme moyen de prédiction (oniromancie).

Il faut également reconnaître que, hier comme aujourd’hui, certains Inuit n’ont jamais porté grande attention à leurs rêves. Victor Tungilik, un aîné de la région de Naujaat/ Repulse Bay, fut chamane, à l’âge où il était jeune homme, avant sa conversion au chris-tianisme ; il déclara pourtant en 1999 n’avoir jamais cru en ses rêves, même à l’époque où il était chamane (in Oosten et Laugrand, 1999 : 81-90, 128-129 [inuktitut], 73-80, 114 [anglais]). Parmi mes interlocuteurs, quelques-uns tiennent aussi un discours que je pourrais qualifier de « rationaliste » sur le rêve, ne lui attribuant ni sens ni utilité. Cette conception n’est cependant pas la plus fréquente, et pour un grand nombre d’Inuit, les rêves, ou certains d’entre eux, ont gardé leur importance et leurs attributs. Que dit-on des rêves aujourd’hui ?

Le rêve-message

On m’a à plusieurs reprises raconté que le rêvepermettait de recevoir un message de quelqu’un ou d’une entité, ou que lors du rêve on était « contrôlé » par quelque chose. C’est de cette façon qu’un jeune homme conclua son récit d’un rêve dans lequel il ne cessait de perdre et de retrouver son énergie (8)  :

Ajjiunngilauqsimangmat puigulauqsimanngitara, aksualuk kisumukiaq kinamullukiaq aula-taungmangaarma nalunaiqsimagama tainna puigulauqsimanngitara sinnaktulauqsimajara.
(Ken Aariak, 2005)
« Je n’ai pas oublié [ce rêve] car il est différent. Et je me demande par qui ou quoi j’étais mû. »

Dans les rêves-messages, l’utilisation fréquente de formulations passives permet d’expri-mer cette idée de réception : qaujititau- et uqaujjau (9)- , respectivement et littéralement « être fait prendre conscience de » et « se faire dire », faisant effectivement du rêveur un récepteur. Ce message peut être un conseil, un avertissement, une injonction, mais le rêve peut aussi être plus prosaïque tout en se révèlant être d’une grande efficacité pratique, à l’instar du cas suivant :

Ilanginnut uvangali uvannulli ii, imanna pilauqsimagama sikituuqtunga, sikituura surattaqpuq siniliqtaqpunga sinilirama imanna sinnaktusittaqpunga imannauna aaqqigunnaqtuq asuilaak iqqumarama sinnaktura malik&ugu sanagakkut taimanna ingirrasilauqsimajunga, sinnaktura malik&ugu. (Gamaili Qiluqisaaq, 2003)
« Pour certaines personnes, pour moi, les rêves sont utiles. Une fois, j’étais parti chasser avec ma moto-neige, mais elle est tombée en panne. Je suis alors aller dormir, et j’ai fait un rêve dans le-quel je voyais comment réparer la moto-neige. Quand je me suis réveillé, je suivis les instructions du rêve et j’ai pu repartir et rentrer chez moi, après avoir suivi mon rêve. »

L’histoire suivante m’a été rapportée à Mittimatalik en 2003 : deux ou trois ans plus tôt, un jeune homme s’était perdu. On l’a recherché pendant plus d’un an, sans résultat. Il fut enfin retrouvé au fond d’un lac. On dit que c’est un rêve qui a permis de retrouver le corps du disparu.

Le rêve prémonitoire

Le rêve prémonitoire est un genre onirique fréquent. J’en ai recueilli plusieurs, dont voici un exemple, résumé : il s’agit du rêve d’une femme dans lequel elle arrive en un lieu où il y a des œufs rougeâtres et d’autres blancs. Or, rappelle-t-elle, on dit que les premiers don-nent naissance à des oiseaux mâles et les seconds à des femelles. Elle ramassa un œuf coloré, puis se réveilla. Quelques mois plus tard, elle donnait naissance à un garçon.

On reconnaît dans ce rêve un élément de clés des songes fonctionnant sur le principe de l’analogie, de l’homologie ou  de l’inversion, selon des mécanismes identiques à l’œuvre dans la pensée symbolique de nombreuses sociétés (Descola, 1989 ; Perrin, 1992). Dans le tableau ci-dessous figurent quelques autres exemples de clés des songes inuit.

Quelques éléments de clés des songes inuit de l’Arctique oriental canadien (10)

rêve

présage

perdre une dent

décès

voir ou « poursuivre » une belle femme

succès à la chasse

voir des gens danser

maladie contagieuse

ne pas pouvoir sortir d’une maison

le rêveur ne se réveillera pas

être embrassé par une femme

réception inattendue d’argent

voir une tombe particulièrement allongée

mort d’un proche

voir une personne proche plus grande qu’elle n’est en réalité

mort de la personne

voir un arc-en-ciel

chemin à suivre pour trouver des caribous

Les rêves, la mort et le monde des défunts

Le rapport entre rêve, mort et défunts reste pertinent. Les rêves sont toujours perçus com-me un moyen de communiquer avec les défunts ou plus exactement comme permettant de recevoir leurs requêtes, l’une d’elles étant la transmission de leur nom (relation d’épony-mie). Sans l’avoir nécessairement vécue personnellement, nombreux sont celles et ceux qui connaissent cette pratique. Une étudiante du centre de formation continue de Mittima-talik m’a confié avoir à plusieurs reprises donné des noms à ses enfants après avoir reçu de tels messages oniriques, ajoutant que l’une de ses tantes l’avait aussi vécu. La dation du nom entre générations reste une pratique courante chez les Inuit canadiens, mais elle ne se fait pas nécessairement par l’intermédiaire du rêve. Une situation fréquente est celle où une personne exprime de son vivant le souhait que son nom soit donné ultérieurement, c’est-à-dire généralement après sa mort, à tel enfant à naître, transferrant en même temps son identité, ses qualités physiques et psychiques, son réseau de parenté et sa position au sein de celui-ci (11) .

Lors de mon dernier séjour à Mittimatalik, j’eus la chance de recueillir un témoignage montrant en quelque sorte l’alliance des deux procédés de transmission du nom, demande directe et rêve. Rosie Kalluk, une femme d’une cinquantaine d’années, m’en fit un récit dont voici le résumé (12)  : alors qu’elle était enceinte, une vieille femme lui demanda que son futur bébé porte son nom, qu’elle soit morte ou vivante à la naissance de l’enfant. La femme mourut cependant avant et Rosie donna son nom à l’enfant. Alors qu’elle dormait près de son bébé, elle fit un rêve dans lequel la vieille femme éponyme lui apparût, vou-lant s’assurer que son nom avait bien été transmis au nouveau-né. La mère le confirma et la vieille femme la remercia en lui offrant une petite chose blanche – petit morceau de papier ou de peau –, signe de longévité.
 
Les relations entre rêve et mort ne se limitent cependant pas à cette fonction de dévolu-tion du nom. L’aspect prémonitoire y est souvent notable. Un jeune homme de Mittima-talik âgé de 18 ans me confia ainsi que deux ans plus tôt, il avait rêvé du suicide d’un ami. Il ne raconta ce rêve à personne. Quelques temps plus tard, le suicide se produisit réellement.


5 Narration des rêves

Si le rêve n’a peut-être pas eu chez les Inuit, pris dans leur ensemble de l’Alaska au Groenland, le rôle omniprésent qu’on lui a reconnu dans diverses sociétés américaines telles que, parmi les plus exemplaires, les Yuma et les Mohave du Sud-Ouest de l’Amé-rique du Nord, les Huichol mexicains, les Guajiro des basses terres de l’Amérique du Sud, ou d’autres aires culturelles – australiennes et mélanésiennes par exemple – (Kroeber, 1925 ; Gifford, 1926 ; Devereux, 1967 ; Herdt, 1987 ; Perrin, 1992), on peut cependant sur la base des éléments présentés précédemment considérer à juste titre les so-ciétés inuit comme ayant été des sociétés « à rêves », au sens où le rêve y possèdait incontestablement une fonction de cohésion sociale, dans lesquelles les événements vus en rêve et ceux vécus dans la réalité consciente étaient étroitement imbriqués.

Pour assurer cette fonction, tous les aspects de l’expérience onirique sont à prendre en compte. Or, si le rêve inuit contemporain reste en phase avec ce que l’on sait de sa repré-sentation passée, tous les témoignages s’accordent également sur le constat de la forte diminution de la narration régulière des rêves :

Ii unikkaapalauqsimagaluarmata sinnakturijaminik maanna sinnaktuminik unikkaaqtumik tusalauqsimattiaqquujinngiliqtungalu, uvangalu unikkaarajunngiliqtunga sinnaktugijangnik. (Isimaili Katsak, 2003)
« Oui, les gens avait l’habitude de raconter leurs rêves, mais maintenant je ne pense plus avoir entendu quiconque en raconter, même moi je ne raconte plus les miens. »

Cela signifie que le rôle social des rêves s’en trouve considérablement amoindri, par rap-port à un temps où les parents racontaient leurs rêves et demandaient à leurs enfants d’en faire autant. La situation actuelle n’est pas sans conséquences, tant au niveau individuel que collectif. Nombreux sont ceux qui disent que si on ne raconte plus ses rêves, on tend à les oublier, cela peut même conduire à l’affaiblissement ou la perte de la capacité à rêver ; d’aucun souligne que la moindre utilité des rêves aujourd’hui est liée au fait qu’ils ne sont plus partagés. Le bénéfice potentiel attendu pour la personne et la collectivité du récit d’un rêve – par exemple jouir d’une prédiction positive ou en contrer une négative – est donc perdu.

Les missionnaires ont sans aucun doute joué un rôle de premier plan dans cette perte d’influence de l’expérience onirique comme source de connaissance et d’action. Plusieurs témoignages d’aînés l’attestent. Une femme d’environ soixante-dix ans me dit par exem-ple qu’on leur avait demandé de cesser d’utiliser leurs rêves pour ne pas se détourner du chemin menant à Dieu. Ce rejet du rêve sur base de la foi s’est enraciné au fil du temps, pour aboutir parfois à des situations inattendues : une jeune femme, élevée dans une fa-mille extrêmement pieuse, me raconta que lorsqu’elle pense avoir fait un rêve qui lui semble particulièrement « réel » ou « puissant », elle le raconte à sa mère, laquelle lui ré-pond systématiquement de ne pas se préoccuper des rêves. Elle-même mère de plusieurs enfants, la jeune femme encourage au contraire sa fillette de huit ans, la seule à vivre avec elle, à lui raconter ses rêves, particulièrement les plus « puissants ».

Il reste que de nombreux jeunes ne racontent pas ou peu leurs rêves ou alors de façon très occasionnelle. Une femme explique qu’elle demande régulièrement à son petit-fils, qu’elle a adopté et qui vit avec elle, qu’il lui raconte ses rêves, mais il ne le fait que rare-ment(in Kolb et Law, 2001 : 118 [inuktitut], 99 [anglais]). Juumi Inuguq et Luuri Linualuk, deux jeunes adultes de Mittimatalik, m’ont tous deux confié croire aux rêves et en leur utilité. Pourtant, ils ne se les partagent mutuellement que de temps à autre et avant moi, d’après leurs dires, ils n’avaient que rarement parlé de leurs rêves avec des tiers par crainte de ne pas être crus. Pourtant, on sait que le rêve peut permettre d’exprimer ce que la vie consciente interdit.

La situation présente est de fait complexe et ambiguë. Sauf chez ceux qui n’attribuent au-cun crédit au phénomène onirique, et au-delà des différences provenant des histoires familiales, des convictions religieuses, de l’engagement social, etc., il se dégage manifes-tement des témoignages recueillis auprès des aînés un regret que les rêves ne soient plus autant partagés que par le passé.

Dans la conclusion de son article, F. Laugrand (2001) rapporte que selon certains aînés le suicide des jeunes, un drame collectif d’une grande ampleur dans la société inuit actuelle, pourrait être en partie expliqué par le fait qu’ils ne partagent ni leurs rêves ni leurs autres expériences, se privant ainsi du bénéfice d’une ré-élaboration sociale. Cette observation a toute sa pertinence, en ne perdant pas de vue que si les jeunes Inuit ne racontent pas leurs rêves, c’est probablement parce qu’ils ont grandi dans des familles au sein desquelles cette pratique a cessé d’être courante depuis des décennies. Dans une culture qui a tou-jours privilégié l’éducation des enfants par l’observation et l’imitation des gestes et pra-tiques des adultes, une telle tombée en léthargie du partage onirique ne pouvait sans doute que conduire à la situation actuelle. Il en va d’ailleurs de même dans l’évolution de la transmission orale en général et, autre exemple pris dans un domaine symboliquement significatif, dans celle de l’acquisition des connaissances cynégétiques (Randa, 2003).

 

Le désir de renouer avec la pratique narrative

Il faut pourtant constater que, en dépit de cette situation générale, certains jeunes semblent désireux de renouer avec une certaine pratique du partage des rêves, en particu-lier quand il y est question d’événements traumatisants. Même sans bien toujours savoir identifier l’interlocuteur potentiel, car en particulier pour les adolescents parler au sein de sa famille n’est pas toujours chose aisée, ni souhaitée parfois, le désir de raconter ses rêves est affirmé, afin que le message puisse si possible être décodé et utilisé à bon escient. Il faut d’ailleurs reconnaître que le récit onirique n’a pas totalement disparu de la sphère collective. Il arrive ainsi régulièrement que des personnes, adultes ou aînées pour la plupart, téléphonent à la radio locale pour y évoquer un rêve récent, souvent prémoni-toire ou à résonance religieuse. Par exemple, un jour de l’été 2006, une vieille femme appela pour raconter qu’elle avait eu une vision de Satan ; cinq jours plus tard, elle téléphona à nouveau pour dire qu’elle avait rêvé qu’elle dormait à côté de Jésus.

Juumi Inuguq et Luuri Linualuk firent des propositions pour essayer d’améliorer les échanges parlés, tels que « enregistrer les récits de rêve pour pouvoir les faire entendre plus tard aux aînés », et « commencer à raconter ses rêves à l’école ». Puis, lors notre dernière rencontre en mars 2003, le jeune homme me fit part de son rêve de la veille :

« La nuit dernière, j’ai fait un rêve qui m’a rendu heureux. Oui je commence à comprendre ce que je dois faire de mes rêves. J’ai rêvé que je voulais parler aux gens et que si je le faisais je pour-rais rendre les choses plus faciles. Donc je vais parler aux gens, peut-être essayer de les aider. J’ai fait ce rêve la nuit dernière, je ne le comprends pas entièrement, mais au moins en partie et je fus vraiment étonné de ce rêve. Je pense qu’on m’a donné quelque chose de merveilleux dans ce rêve. J’étais très heureux quand je me suis réveillé. On peut rêver de toutes sortes de choses, la personne à qui je parlais dans mon rêve disait que je devais continuer dans cette voie. Nous les jeunes, lorsqu’on veut parler mais qu’on ne le peut pas, cela devient de plus en plus difficile et on se met plus facilement en colère. Tout cela, je l’ai compris par un rêve. »

Ce jeune Inuk a par un long processus découvert grâce à un rêve ce que devrait être sa ligne de conduite.

 

En conclusion, j’aimerais souligner le fait que de nombreux Inuit contemporains, y compris les jeunes avec lesquels je me suis entretenu, ont une conception du rêve qui montre une continuité certaine avec celle d’autrefois, que ce soit, entre autres, par l’usage prémonitoire, ou comme mode de communication avec le monde des défunts ; mais ne pas raconter ses rêves constitue un gachis, voire un danger car rêve et réalité restent profondément intriqués. La question posée est donc : comment partager ses rêves aujour-d’hui ? Les aînés et les adultes ne les racontent plus qu’occasionnellement, et les jeunes n’ont plus de « modèle » à suivre. En fait, le déclin de la narration onirique ne fait que suivre celle plus générale de la transmission orale entre générations, ce qui constitue certainement un des problèmes de la société inuit actuelle. Certains sont pleinement cons-cients de la situation, l’expriment ouvertement et souhaiteraient pouvoir inverser la ten-dance, convaicus que partager à nouveau les rêves ne pourrait que contribuer à améliorer la vie tant au niveau individuel que familial et communautaire. Une affaire à suivre…

Guy Bordin © 2007-Le Cercle Polaire- Tous droits réservés

Remerciements
Ce travail a été mené dans le cadre d’un projet de recherche agréé par le Nunavut Research Institute à Iqaluit (Scientific Research Licences N° 0500203N-M, 0203105N-A et 0203606R-M). Les missions effectuées à Mittimatalik/Pond Inlet (Nunavut) en 2002-2003, 2005 et 2006 ont bénéficié du soutien du Centre national de la recherche scienti-fique (Réseau arctique, Université de Besançon) et de l’Inalco que je remercie. J’exprime également toute ma gratitude aux interlocuteurs de Mittimatalik qui ont bien voulu m’accorder leur concours, dont Ken Aariak, Gisa Inuaraq, Juumi Inuguq [Jomie Enoogoo], Ruusi Kalluk [Rosie Kadloo], Isimaili [Ismael] Katsak, Marta Kunuk [Koonoo], Luuri [Lorie] Linualuk, Gamaili Qiluqisaaq [Gamael Kilukishak] et Ilisapi Uuttuva [Elisapee Ootoova].

Cette étude sur le rêve chez les Inuit s’insèrent dans une réflexion pluridisciplinaire beau-coup plus large sur l’anthropologie de la nuit, menée par un groupe initialement formé autour de Jacques Galinier (CNRS, Université de Paris X-Nanterre), Aurore Monod-Becquelin (CNRS, Université de Paris X-Nanterre), Michèle Therrien (INALCO, Paris) et Piero Salzarulo (Université de Florence).

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(1) Il est important de préciser que le vécu onirique n’est pas uniforme, ce qui se traduit dans la terminologie inuit où l’on distingue deux types d’expérience : sinnaktuumaniq, un terme attesté dans tout l’Arctique oriental canadien, correspond à « rêve » en français et à « dream » en anglais ; c’est un terme de nature gé-nérique. Une autre expérience commune chez les Inuit est celle appelée aqtuqsinniq dans le nord de la Terre de Baffin et uqumangirniq dans le sud de la Terre de Baffin et au Nunavik, généralement traduite en français par « paralysie du sommeil » ou « cauchemar paralysant » et en anglais par « sleep paralysis » ou « Eskimo paralysis ». Si certains Inuit rattachent cette parasommnie au rêve en général, tous ne le font pas. Dans ce texte, il ne sera donc question que du rêve proprement dit (sinnaktuumaniq).

(2) Les appellations du genre Inuit du Cuivre (Copper Eskimos), Inuit du Caribou (Caribou Eskimos), etc. sont aujourd’hui tombées en désuétude et ne sont utilisées ici que dans le cadre de références datant de l’époque où elles étaient employées par les ethnographes, ceci afin de conserver les repères historiques de la tradition ethnographique.

(3) Peut-être s’agit-il d’une tendance plus générale si on en croit ce que B. Tedlock écrivit dans la préface de l’ouvrage Dreaming  (1992 [1987] : ix) : « Universal though dreaming may be, when I convened a week-long advanced seminar on the subject at the School of American Research in Santa Fe in 1982, leading to the publication of this book, it had become so marginalized within anthropology that it took an extended effort to find ten appropriate participants. »

(4) Par exemple, de nombreux aînés regrettent que la plupart des jeunes Inuit ne lisent et ne connaissent plus la Bible, n’aillent plus régulièrement à l’église et ne respectent plus systématiquement certains principes tels que l’interdiction de travailler et de chasser le dimanche.

(5) International Symposium « Crisis and stability. Maintaining Inuit communities », organisé par l’Institut national des langues et civilisation orientales (Paris) et l’Université de Copenhague, 9-10 décembre 2004.

(6) 15e Congrès international d’études inuit/15th  Inuit Studies Conference, organisé par l’Inalco, le CNRS et l’Université Paris 1 au Musée du quai Branly, Paris, 26-28 octobre 2006. Le thème en était : « L’oralité au XXIe siècle, discours et pratiques inuit ».

(7) Film sur support DV Cam, d’une durée de 40 minutes et intitulé « J’ai rêvé/Sinnaktulauqpunga », produit par le GSARA asbl (www.gsara.be), Bruxelles, 2006.

(8) Le récit complet du rêve figure dans le film de G. Bordin et R. De Putter (2006).

(9) qauji-, prendre conscience de ; -ti-, faire ; -tau-, passif
uqaq-, parler ; -ujjau-, forme passive de « faire quelque chose pour ».

(10)Sources des données : enquêtes de terrain (interlocuteurs de Mittimatalik) ; Kolb et Law, 2001.

(11) Sur le nom et l’éponymie, cf. Saladin d’Anglure, 1986 ;  Alia, 1994 ; Briggs, 2000 ; Searles, 2002.

(12) Le récit complet du rêve figure dans le film de G. Bordin et R. De Putter (2006).




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