L’émergence d’un tourisme de masse en Antarctique

Yves Frenot
Directeur de Recherche au CNRS, Directeur-adjoint de l’Institut Polaire Paul-Emile Victor, membre du Comité d’experts du Cercle Polaire.

Le tourisme antarctique, un phénomène autrefois exceptionnel devenu aujourd’hui routinier

Le tourisme en Antarctique a débuté tardivement, à la fin des années 1950 lorsque l’Argentine et le Chili permirent à plus de 500 passagers payants de visiter les îles Shetland du Sud. Puis c’est dans les années 1960 que le concept de croisière antarctique s’est développé avec la mise en œuvre d’un navire spécialisé, le Lindblad Explorer. L’activité touristique est restée à un niveau relativement modeste jusque dans les années 1980. A partir du début des années 1990, le nombre de touristes visitant l’Antarctique a pour la première fois atteint celui des scientifiques et logisticiens associés :à peine 5000 personnes au plus fort de l’été austral, dont près de 2000 sur la seule base américaine de McMurdo ; en hiver environ 1000 personnes sont présentes en Antarctique, réparties sur 37 stations permanentes essentiellement sur la frange côtière du continent et sur la Péninsule Antarctique) ; alors que l’effectif des scientifiques reste relativement stable, celui des touristes n’a cessé de croître depuis une quinzaine d’années et l’on peut parler sans hésitation de tourisme de masse, bien que le coût des croisières demeure élevé. A partir de 2000, on assiste à une croissance quasi exponentielle du nombre de visiteurs en Antarctique, passant de 13600 touristes en 2001/2002 à plus de 32000 touristes en 2005/2006 dont plus de 1000 participèrent à des activités à terre, ski, escalade, campement… et 1165 furent passagers de survols aériens de l’Antarctique. Ces chiffres, ne concernent que les professionnels du tourisme affiliés à l’IAATO (International Association of Antarctica Tour Operators) qui regroupe la grande majorité des voyagistes antarctiques. Si l’on comptabilise également les personnels d’accompagnement, guides, équipages etc…, c’est vraisemblablement près de 50000 personnes liées à l’industrie du tourisme qui ont visité l’Antarctique cette année là, soit pratiquement un rapport de 1 à 10 entre scientifiques et visiteurs touristiques. De plus, la tendance actuelle confirme l’utilisation de plus en plus fréquente de navires de grande capacité, embarquant plus de 800 passagers et les équipages en conséquence.


Evolution du nombre de touristes ayant visité l’Antarctique entre 1992 et 2007. Source : IAATO (Site de l'IAATO).

Cette activité touristique ne s’exerce pas uniformément sur le continent antarctique. En effet, 98% de ces touristes fréquentent exclusivement l’extrémité de la Péninsule Antarctique et les îles environnantes, sur un nombre de sites relativement restreints : ainsi, plus de 75% des visites à terre concernent seulement une vingtaine de sites. Pourquoi cette concentration sur la Péninsule Antarctique ? Cela résulte tout d’abord de la proximité de cette région avec l’Amérique du Sud, d’où partent la plupart des expéditions. Ensuite, la Péninsule Antarctique présente une plus grande diversité de paysages, de faune et de flore que le reste du continent. Le climat y est moins rigoureux que sur le reste du continent et les conditions d’accès à terre y sont relativement plus faciles. Enfin, il y a un nombre important de stations comme la base argentine d’Esperanza, la base uruguayenne Artigas,ou encore la base chilienne de Frei, qui accueillent volontiers les touristes. Aussi, en dehors de cette région, les visites des navires de tourisme demeurent occasionnelles.

On assiste également aujourd’hui à une diversification importante des activités touristiques en Antarctique. Autrefois réduites à des croisiéristes qui effectuaient seulement quelques débarquements en zodiac pour permettre aux passagers de fouler le sol du 6ème continent et d’approcher la faune locale, ces activités s’étendent maintenant à des pratiques sportives : trekking, kayaking, ski, escalade, plongée sous-marine etc…. Des campements à terre sont également organisés pour permettre aux touristes d’accéder à des expériences inhabituelles. Des véhicules divers, hélicoptères, avions légers, véhicules tout terrain, permettent aux touristes arrivés par mer de pénétrer plus profondément à l’intérieur des terres. Enfin, dernière évolution : pour accélérer les rotations de passagers à bord des navires et leur éviter l’inconfort de la traversée généralement mouvementée du Passage de Drake, des opérations nommées « fly and sail » proposent aujourd’hui aux touristes de rejoindre l’Antarctique en avion pour y embarquer ensuite sur un navire visitant la région.

Cette activité touristique antarctique est concentrée uniquement sur la période de l’été austral, entre octobre et mars. C’est en effet la période où les conditions climatiques sont les moins rigoureuses, où la couverture neigeuse est la moins importante, donnant des paysages plus variés, et où la faune est la plus abondante. C’est aussi en réalité la seule période où la navigation est possible pour des navires qui ne sont généralement pas spécialement conçus pour naviguer dans les glaces. L’extension de la banquise autour du continent antarctique ne permet généralement pas à ces navires ordinaires de descendre très au sud en dehors du plein été austral (janvier-février) et même à cette période, l’accès au cercle polaire (66° 33' 39" Sud), latitude la plus septentrionale sur laquelle il est possible d'observer le soleil de minuit lors du solstice de décembre, est souvent impossible.

C’est aussi pour les mêmes raisons que les risques environnementaux liés à cette fréquentation touristiques s’avèrent les plus importants. En effet, cette période de pic touristique coïncide avec celle de la reproduction de la plupart des animaux antarctiques, oiseaux ou mammifères marins. Ce laps de temps est crucial et la perturbation des animaux peut entraîner un échec dans l’élevage des jeunes.

  

Pourquoi le développement du tourisme en Antarctique est il, plus qu’ailleurs, une source d’inquiétude ?

Tout d’abord, la croissance rapide de cette activité économique durant ces dernières années est en train de changer la nature du statut particulier de l’Antarctique. On peut en effet légitimement se demander si ce continent n’est pas en train de passer d’une « terre de paix et de science », ainsi consacrée par le Traité sur l’Antarctique (voir encadré), à une terre dédiée au commerce touristique. La politique internationale menée dans la région depuis 1961risque de ne plus se faire uniquement au bénéfice de la science, de la coopération internationale et de la protection de l’environnement, mais d’être soumise à l’influence grandissante d’intérêts économiques. Cela est déjà sensible lorsque l’on constate qu’un projet d’interdiction d’infrastructures touristiques proposé récemment à la réunion annuelle du Traité sur l’Antarctique a été loin de faire l’unanimité.

Ensuite, il est indéniable que l’afflux d’un si grand nombre de touristes sur la Péninsule antarctique a déjà des impacts néfastes sur l’environnement. Parmi ces conséquences indésirables, on peut citer :

  • la perturbation des animaux pendant leur période de reproduction, entraînant une chute de leur succès reproducteur et, à terme, une mise en danger de certaines espèces. C’est déjà le cas pour le Pétrel géant antarctique, espèce particulièrement farouche et sensible au dérangement, et dont les populations s’effondrent aujourd’hui. Chez certaines espèces, on constate cependant des capacités d’adaptation exceptionnelles à ces perturbations routinières : la base Dumont d’Urville, en Terre Adélie, est envahie chaque été par de nombreux manchots adélie qui nichent jusque sous les bâtiments. Ces animaux sont parfaitement habitués à la circulation des personnels de la base et ne réagissent même plus lors de l’atterrissage des hélicoptères à seulement quelques mètres de leurs nids. Malheureusement, cette acclimatation ne se produit pas chez toutes les espèces et certaines demeurent farouches dans toutes les situations.
  • La dégradation de zones de végétation sensibles au piétinement. Certains secteurs de la Péninsule antarctique sont en effet assez riches en mousses et lichens, même si les plantes supérieures sont rares (deux espèces seulement sont naturellement présentes en Antarctique, Deschampsia antarctica et Colobanthus quitensis). Or ces organismes verdoyants, et par là-même point d’attraction pour des visiteurs dans un environnement dominé par le gris des roches et le blanc des glaciers, sont particulièrement fragiles. Leur croissance très lente empêche de surcroît les communautés végétales de se renouveler rapidement.
  • L’introduction d’espèces étrangères, transportées accidentellement par les visiteurs. Dans un contexte de réchauffement, les probabilités d’établissement de ces nouvelles espèces augmentent et leur implantation risque de faire disparaître, localement, certaines espèces antarctiques déjà fragilisées par les changements climatiques. Si peu d’exemples sont aujourd’hui connus de l’Antarctique, de nombreuses introductions d’espèces dans les îles subantarctiques, situées dans des régions légèrement plus tempérées, préfigurent de manière inquiétante ce que pourrait être le devenir de la Péninsule antarctique à courts termes. Ces introductions sont d’autant plus alarmantes qu’elles viennent généralement occuper des niches vides ou remplir de nouvelles fonctions dans ces écosystèmes simples : on peut citer l’exemple du lapin introduit à la fin du XIXème siècle dans de nombreuses îles subantarctique où il a profondément modifié la végétation, celui du rat qui a éliminer plusieurs espèces de pétrels qui nichaient sur l’Ile de la Possession, dans l’archipel Crozet, ou encore celui d’un petit coléoptère prédateur qui est en train de faire disparaître tous les insectes de Kerguelen dans les zones côtières qu’il colonise à un rythme très rapide, probablement favorisé par l’amélioration des conditions climatiques.
  • Les risques de pollution associés aux accidents de navigation dont la probabilité croît naturellement avec l’augmentation du trafic maritime dans la région. A titre d’exemple, un navire de tourisme norvégien s’échoua le 30 janvier 2007à proximité de l’Ile Déception. Les 370 passagers à bord furent évacués par un autre navire de la même compagnie mais au cours d’une manœuvre de transfert de fioul à partir d’un réservoir endommagé, 500 à 750 litres de d’hydrocarbures ont provoqué une pollution marine, malgré la mise en place de barrages flottants autour du navire. En raison de la nature volatile de ce produit toute trace de pollution avait disparu quelques jours plus tard, sans dommage apparent pour l’écosystème. Mais cet accident illustre parfaitement les risques consécutifs à l’augmentation du trafic maritime dans cette région, notamment dans le cas des navires de grande capacité.

Par ailleurs, dans certains cas, il peut y avoir un conflit d’intérêt entre scientifiques et touristes : en effet, les sites les plus attractifs pour les organisateurs de voyages sont ceux présentant généralement la plus forte biodiversité et donc les plus intéressants pour la recherche. La libre circulation en Antarctique et l’absence de réelle régulation du tourisme peut donc parfois contraindre les scientifiques à abandonner certains sites au profit des touristes. Cet état de fait est d’autant plus dommageable qu’il rend pratiquement impossible le suivi et l’estimation rigoureuse des impacts produits par cette activité touristique sur l’environnement.

Les professionnels du tourisme affirment volontiers que l’impact de leurs activités sur l’environnement est bien moindre que celui lié aux stations permanentes ou estivales qui accueillent les scientifiques et les logisticiens des organisations gouvernementales. Cet argument est sans aucun doute recevable car la construction d’une base n’est pas sans conséquences environnementales. Toutefois, le nombre de stations est relativement stable (bien que quelques pays comme la Belgique envisagent de construire une base à l’occasion de l’Année Polaire Internationale) et il y a une volonté affichée, au sein des pays signataires du Traité sur l’Antarctique, d’encourager le partage des stations déjà existantes dans un esprit de coopération. C’est ce que la France a démontré en construisant avec l’Italie la station Concordia, 3ème station permanente à l’intérieur du continent Antarctique dont la vocation est de devenir, à terme, une station européenne. Il faut également rappeler que l’existence même de ces stations vise à remplir l’un des objectifs fondamentaux du Traité sur l’Antarctique : faire de ce continent une terre de science. En cela, l’impact des stations doit être évalué au regard des services qu’elles rendent. Par ailleurs, les agences gouvernementales qui gèrent ces stations sont tenues par des réglementations nationales rigoureuses qui remplissent toutes les obligations du Traité; le régime des inspections prévues par le Traité, autorisant le contrôle de la conformité des stations et des activités qui y sont conduites au regard des textes internationaux, est une garantie du respect des règles générales par les agences gouvernementales.

En revanche, les activités de l’industrie touristique sont plus difficilement contrôlables et il n’existe pas à ce jour de régimes de sanctions unifié en cas de manquements aux règles.

Enfin, le dernier objet de préoccupation face à ce développement touristique spectaculaire est lié aux accidents et à leurs implications pour les opérateurs nationaux qui sont présents sur place pour assurer la logistique des expéditions scientifiques et entretenir les stations. En cas d’accident, ce sont eux et leurs moyens logistiques qui sont mobilisés pour porter assistance. De plus en plus fréquemment, ils sont sollicités pour des opérations de sauvetage ou des évacuations sanitaires. Parmi les incidents liés au tourisme, on peut citer de nombreux exemples :

  • le crash d’un avion sur le Mont Erebus en 1979
  • le décès d’un autrichien et de deux américains parachutistes à Pôle Sud en 1997
  • l’évacuation sanitaire d’un touriste australien souffrant d’une attaque cardiaque à Mac Murdo
  • dans le cas de l’échouage récent du navire norvégien mentionné ci-dessus, outre le navire de la même compagnie venu porter assistance, il a fallu la mobilisation de plongeurs et de l’hélicoptère du navire anglais Endurance, du navire chilien Viel Toro envoyé spécialement sur place et du personnel de la base espagnole de l’Ile Deception.

Ces opérations de sauvetage ou ces évacuations sanitaires engendrent des coûts particulièrement élevés en Antarctique ou toute logistique est difficile, chère et souvent périlleuse. Même si les touristes sont assurés, les opérateurs nationaux ne recouvrent jamais la totalité des frais liés aux secours et au rapatriement des personnes concernées. Ces opérations entraînent également une mobilisation importante de personnes et de moyens qui désorganisent, de fait, le déroulement des missions scientifiques, raison première de la présence de ces opérateurs nationaux en Antarctique.

Comment sont gérées les activités touristiques en Antarctique aujourd’hui ?

Depuis plusieurs années le tourisme est à l’ordre du jour des discussions qui se tiennent entre les pays signataires du Traité sur l’Antarctique. La volonté est de pouvoir définir un mode de régulation et de gestion unifié des activités touristiques qui garantissent la préservation de l’environnement, et la compatibilité avec la recherche scientifique.

L’IAATO est une association créée en 1991 par 7 agences de voyages pour défendre, promouvoir et développer un tourisme respectueux de l’environnement en Antarctique. Elle compte aujourd’hui 80 membres issus de 14 pays, rassemblant ainsi la plus grande partie des voyagistes travaillant en Antarctique. En France, des agences de voyage telles que La Compagnie des Iles du Ponant, Le Sourire, Grand Nord-Grand Large sont membres de l’IAATO. Cette organisation participe à toutes les réunions importantes du système du Traité sur l’Antarctique et, si elle n’y dispose pas de droit de vote, elle ne manque pas d’y faire valoir ses points de vue.

Actuellement, l’industrie touristique en Antarctique est principalement encadrée par cette organisation à travers des lignes conductrices, des codes de conduite, des plans d’urgence etc…, autant d’éléments qui pourraient laisser entendre que l’autorégulation de la profession est une bonne solution pour répondre aux inquiétudes sur le développement touristique en Antarctique. Plusieurs pays signataires du Traité sur l’Antarctique partagent cet avis. D’autres pays, dont la France, estiment au contraire que l’on ne peut être juge et partie et que dans ce domaine, il revient aux Etats d’édicter les règles communes, et cela pour plusieurs raisons :

  • - les intérêts économiques en jeu ne sont pas forcément compatibles avec la mise en place des restrictions (nombre de visiteurs, taille des navires, durée de présence à terre, périodes de visites etc…) visant à limiter l’impact de l’activité touristique sur l’environnement,
  • - l’IAATO ne couvre pas la totalité des activités touristiques en Antarctique. Il est difficile de connaître exactement le nombre d’expéditions touristiques indépendantes mais on peut penser qu’environ 10 % des touristes ne sont encadrés par aucune règle autre que celles, très générales, du Traité sur l’Antarctique et du protocole de Madrid, et les moyens de contrôle sur ces petits groupes sont quasi inexistants.
  • - La diversification actuelle des formes de tourisme dit « d’aventure » échappe également à l’IAATO. Or ce sont ces activités qui ont, potentiellement, le plus fort impact sur l’environnement.

Plusieurs pays anglo-saxons, au rang desquels l’Angleterre et les Etats-Unis, soutiennent au contraire le concept d’autorégulation par la profession (et concrètement par l’IAATO). Les mécanismes du Traité sur l’Antarctique étant basés sur le consensus, les discussions sur ce sujet demeurent pour l’instant infructueuses.

La France et le tourisme antarctique

Dans les territoires antarctiques ou subantarctiques français, le tourisme est très réduit. Une cinquantaine de touristes par an visitent les îles subantarctiques Crozet, Kerguelen, Amsterdam, en voyageant à bord du Marion-Dufresne, lors des dessertes de ces îles par les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF, collectivité territoriale d’outre-mer basée à l’Ile de la Réunion et chargée de l’administration de ces territoires). En revanche, aucune activité touristique n’est pratiquée en Terre Adélie dont l’accès maritime est difficile et la diversité des paysages et de la faune infiniment moindre que sur la Péninsule Antarctique. Seuls quelques navires australiens demandent parfois à visiter la base de Dumont d’Urville à l’occasion de leur passage au large de cette station. Si quelques agences de voyage françaises sont impliquées dans l’organisation de croisières dans la Péninsule Antarctique, aucun ne songe pour le moment à développer une telle activité en Terre Adélie.

Pour tenter de faire avancer la question du tourisme en Antarctique, la France préside depuis 2004 un groupe d’experts sur le sujet qui se réunit annuellement dans le cadre des réunions consultatives du Traité.

La position française dans ces débats a toujours été de privilégier la protection de l’environnement de ce dernier continent encore relativement indemne des perturbations humaines, tout en s’appuyant sur les fondements du Traité sur l’Antarctique, qui dédie ce continent à la paix et à la science. Déjà en 1988 la France s’était opposé à la Convention de Wellington qui ouvrait la possibilité d’exploiter les ressources minières en Antarctique et dans les mers adjacentes. Sous l’impulsion du Commandant Cousteau et du député J.Y. Le Déaut, elle avait pris la tête d’une campagne internationale s’opposant au développement des prospections et exploitations minières, soulignant notamment les risques que de telles activités feraient courir à l’environnement. François Mitterrand, alors Président de la République, fut sensible à ces arguments : non seulement la France refusa de ratifier la Convention de Wellington, mais elle proposa de faire de l’Antarctique une réserve naturelle où aucune exploitation minière ne serait autorisée. Plusieurs pays importants au sein du Traité sur l’Antarctique dont l’Australie, l’Italie ou la Belgique, rejoignirent la position française et en 1991, cette proposition se concrétisa à travers le Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement, signé le 4 octobre 1991 à Madrid (voir encadré ci-dessous).

Le Traité sur l’Antarctique et le protocole de Madrid

En 1957-1958, l’Année Géophysique Internationale remporta un tel succès, en termes de coopération scientifique, qu’une conférence fut organisée à Washington en décembre 1959 au cours de laquelle les 7 pays revendiquant une partie du 6ème continent (dont la France) et quelques autres élaborèrent le Traité sur l’Antarctique, qui entra en vigueur le 23 juin 1961. Aujourd’hui, 46 pays ont rejoint ces premiers signataires. Ce Traité gèle les revendications territoriales et met en place un système de gestion internationale de la région située au sud du 60ème parallèle Sud dans un cadre de coopération scientifique entre les pays, de maintien de la paix et d’interdiction de toute activité militaire. Plusieurs autres instruments sont venus s’ajouter à ce Traité tels que la Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique (Londres 1972), la Convention pour la conservation de la faune et de la flore marine de l’Antarctique (Canberra 1980) ou encore le Protocole relatif à la protection de l'environnement (Madrid 1981). Ce dernier, aussi appelé Protocole de Madrid, vise à assurer la protection globale de l’environnement en Antarctique Il désigne cette région de la planète « réserve naturelle consacrée à la Paix et à la Science ». Toutes les activités qui se déroulent en Antarctique sont soumises à des obligations de respect de l’environnement qui figurent dans six annexes qui traitent respectivement des études d’impact, de la protection de la faune et de la flore, de l’élimination et de la gestion des déchets, de la prévention de la pollution marine, de la gestion de zones spécialement protégées, et du régime de responsabilité en cas d’atteinte protée à l’environnement.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus d’exploitation minière, mais du développement d’une nouvelle forme d’industrie au sein de la zone du Traité qui se traduit par l’explosion du nombre de visiteurs dans cette région du monde.

Conclusion

Le tourisme antarctique peut participer d’une certaine manière à la diffusion de la connaissance scientifique et à la prise de conscience, par le public, des grands enjeux environnementaux pour notre planète, notamment sur l’impact des changements climatiques et sur l’évolution de la biodiversité. Mais ce n’est certainement pas la démarche la plus efficace pour atteindre cet objectif : un film tel que La marche de l’empereur, de Luc Jacquet, a sans doute plus contribué à cette sensibilisation que la visite de quelques touristes privilégiés.

Il ne s’agit cependant pas d’interdire le tourisme en Antarctique et de mettre le continent sous une cloche où seuls les scientifiques pourraient accéder. Les scientifiques eux-mêmes ont un impact sur cet environnement fragile. L’activité touristique y est, comme partout dans le monde, légitime. Mais elle ne doit pas compromettre le statut particulier de réserve naturelle, dédiée à la paix et à la science, qui lui a été reconnu depuis maintenant plus de 45 ans. Une régulation effective de cette activité par les Etats est en conséquence aujourd’hui indispensable pour éviter que ses impacts sur l’environnement ne compromettent de manière irrémédiable certaines valeurs esthétiques et patrimoniales uniques au monde, et détruisent finalement, à plus ou moins long terme, l’objet même qui attire aujourd’hui les touristes dans ce secteur : le caractère inviolé des paysages et la nature exceptionnelle de la faune et de la flore de ce continent blanc.

Liens

- Traité sur l'Antarctique
- Protocole de Madrid
- Annexe VI au Protocole au Traité sur l'Antarctique






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